Guillaume Regnault est l’un des rares sculpteurs dont le nom nous soit parvenu pour le début du XVIe siècle à Tours. Il est connu en tant que principal collaborateur du maître Michel Colombe, dont il épousa une de ses nièces, et auprès duquel il travailla pendant une quarantaine d’année à partir du début des années 1470. Il habitait dans la paroisse Saint-Étienne, rue des Filles-Dieu (actuelle rue Palissy), à proximité de l’atelier de son oncle par alliance et de celui du maître maçon italien Jérôme Pacherot [Giraudet, 1885, p. 315]. Son fils Jean, enfant de son second mariage avec Marie Pommiers [Renumar], devint également tailleur d’images. Son gendre, Bastien François, maître maçon et tailleur de pierre, est l’auteur de la fontaine de Beaune et dirigea les travaux du cloître de Saint-Martin de Tours.
Le tombeau de Louis Poncher et de Roberte Legendre (Paris, musée du Louvre) est l’unique œuvre documentée de Guillaume Regnault [Grandmaison, 1897]. La commande du monument funéraire, destiné à la chapelle Saint-Martin de l’église parisienne de Saint-Germain-l’Auxerrois, fut passée en novembre 1521 [Pradel, 1953, p. 83] par Jean Binet, abbé de Saint-Julien, pour Étienne Poncher, archevêque de Sens et frère du défunt. Guillaume Regnault s’associa en novembre 1523 à Guillaume Chaleveau, sculpteur sénonais alors installé à Tours [Tours 1500, p. 194 et 220]. A l’origine, les deux gisants en albâtre reposaient sur un sarcophage orné des trois vertus théologales (foi, espérance et charité) et étaient placés sous un enfeu couvert d’une voûte à caissons. L’architecture du monument et le vocabulaire ornemental (chutes d’ornements, tabulae gravées d’épitaphe à l’antique) sont issus des modèles de la Renaissance italiennes. Les gisants, attribués à Regnault, s’inscrivent dans la tradition funéraire française. On donne aussi au sculpteur la Foi, l’une des deux statuettes de vertus conservées, l’Espérance étant plutôt considérée du ciseau de Guillaume Chaleveau [Tours 1500, p.194].
À l’exception du tombeau de Louis Poncher, l’art de Regnault se confond avec celui de son maître puis collaborateur Michel Colombe. Les spécialistes estiment ainsi qu’il a contribué aux deux tombeaux princiers commandés par la reine Anne de Bretagne (le tombeau des ducs de Bretagne de la cathédrale de Nantes et celui des enfants royaux à Tours), et au relief de Saint Georges terrassant le dragon de la chapelle du château de Gaillon pour Georges d’Amboise [Tours 1500, p. 193].
Témoin du marché pour un Sépulcre passé en 1507 entre les fabriciens de l’église Saint-Sauveur de La Rochelle et Michel Colombe, Regnault a sans doute également contribué à cette œuvre, détruite par la suite pendant les guerres de Religion [Pradel, 1953, p. 54]. L’artiste a également été associé, à la suite de Michel Colombe, au grand projet de tombeau voulu par Marguerite d’Autriche en 1511 à la mémoire de son mari Philibert le Beau, duc de Savoie, pour l’abbaye de Brou. Les sources sont peu disertes. On sait seulement que Regnault devait polir le visage d’une Sainte Marguerite qui accompagnait le modèle du monument présenté à la cliente. Quand Michel Colombe fut finalement chargé de réaliser l’intégralité du tombeau, il fut convenu que Regnault s’occuperait de son acheminement et de son installation à Brou. Les retards s’accumulèrent et, dans une lettre où il tente de se justifier auprès de Marguerite d’Autriche, Colombe, alors très affaibli, reconnaît en Regnault le « baston de [sa] vieillesse » qui le « garde et [le] guyde en tous [ses] afferes » [Tours 1500, p. 191]. A la suite de la mort de Colombe en 1512, le projet fut confié au Flamand Louis Van Boghem. Regnault, prit la tête de l’atelier tourangeau et fut nommé tailleur d’images et valet de chambre de la reine Anne de Bretagne [Tours 1500, p. 192 ; Grandmaison, 1897, p. 96 ; Pradel, 1953, p. 82].
Guillaume Regnault apparaît comme un des piliers de l’atelier de la rue des Filles-Dieu. Pour autant, sa production reste difficile à cerner en raison de son rôle de collaborateur de Michel Colombe.
Bibliographie
Cochin Claude, « Michel Colombe et ses projets pour l’église de Brou », dans Revue de l’art ancien et moderne, T. XXXV, 1914, p. 111-116.
Grandmaison Louis de, « Les auteurs du tombeau des Poncher », dans Réunion des sociétés des Beaux-Arts des départements, 21, 1897, p. 87-96.
Pradel Pierre, Michel Colombe, le dernier imagier gothique, Paris, Librairie Plon, 1953.
Vitry Paul, Michel Colombe et la sculpture française de son temps, Paris, Librairie centrale des Beaux-Arts, 1901.
Chancel-Bardelot Béatrice de, « Guillaume Regnault », dans Chancel-Bardelot Béatrice de, Charron Pascale, Girault Pierre-Gilles, Guillouët Jean-Marie (dir.), Tours 1500. Capitale des arts, catalogue d’exposition au musée des Beaux-Arts de Tours du 17 mars au 17 juin 2012, Paris, Somogy, 2012, p. 192-194.